En l'an 1897, le Sud-Est de la France est secoué par une longue
suite de crimes particulièrement horribles, qui laissent une trace
sanglante à travers l'Ain, le Rhône, la Drôme, la Savoie
et jusqu'à l'Ardèche. Chaque fois ou presque, se sont des
adolescents des deux sexes, bergers le plus souvent, qui sont retrouvés
égorgés, éventrés et violés. On parle
d'un vagabond barbu au regard de braise. On a tôt fait de le qualifier
de «Jack l'éventreur du Sud-Est » mais la gendarmerie
s'avère incapable de capturer, suscitant dans les populations,
un mélange d'ironie mordante et de tranche indignation mêlée
de peur.
Le tueur pédophile est enfin arrêté, quasiment par
hasard, terrassé par l'époux de sa future victime. Il répond
au nom de Joseph Vacher, ancien soldat suicidaire après une peine
de cur, réformé de l'Armée, devenu l'un de
ces chemineaux errants que craint tant la France rurale de lépoque.
Incarcéré à la prison de Bourg-en-Bresse, confronté
au patient travail d'enquête que mène un jeune magistrat,
le juge Fourquet, Vacher finit pas avouer onze crimes, donnant d'épouvantables
détails. Il semble que l'on peut doubler ce chiffre. Au moins.
Pour satisfaire une opinion publique longtemps tenue en haleine et friande,
déjà, de détails où le sexe se mêle
au sang, la presse consacre au tueur psychopathe une multitude d'articles.
Quoiqu'en pleine affaire Dreyfus, la France va se passionner pour le procès
qui sc tient devant les assises de Bourg, à l'automne 1898, devant
une salle archicomble, que fascine volontiers les imprécations
de celui qui se proclame « l'anarchiste de Dieu », mais en
qui les experts lyonnais, menés par le fameux professeur Lacassagne,
refusent de voir un fou et un irresponsable. Le 31 décembre, Joseph
Vacher monte sur la guillotine. Il a seulement 29 ans. Son histoire inspirera
au cinéaste Bertrand Tavernier Le Juge est l'assassin, où
son rôle est tenu avec brio par Michel Galabru.
L'auteur a soigneusement épluché la presse de l'époque,
mais aussi travaillé sur les archives: le dossier d'instruction,
le rapport Lacassagne, les mémoires et textes écrits par
Vacher en prison... En un siècle qui s'est ouvert avec l'affaire
Jacques Dutroux, puis avec l'affaire d'Outreau, amenant en surface le
rôle de la pédophilie dans notre société et
sur la base des récents travaux de la psychiatre lyonnaise Christine
Lamothe, ce livre énonce une hypothèse : tout enfant, le
petit Joseph aurait été violé par le garde-champêtre
de son village. Traumatisé à vie, il reproduisait inlassablement,
sur ses jeunes victimes, son initiale mutilation.
Un éclairage nouveau sur l'énigmatique tueur en série
de la Belle Epoque.
Gérard Corneloup, historien, bibliothécaire et journaliste,
chroniqueur à la télévision, s'intéresse à
étudier tout particulièrement l'histoire de Lyon sa ville
natale. Il est l'auteur de Lyon Mémoire, de Trois siècles
d'opéra à Lyon, de Le Médecin et le criminel en compagnie
de Philippe Artières, et a participé à plusieurs
ouvrages collectifs tels que Lyon, vingt cinq siècles de confluences
et Napoléon et Lyon.
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